Du premier dimanche du Temps de l’Avent, jusqu’à la Fête du Christ-Roi de l’Univers – c’est l’année liturgique A – nous avons, à quelques exceptions près, l’Evangile de Jésus-Christ selon St Matthieu comme ‘’compagnon de route’’ ; faisons connaissance :
Le vocabulaire : « Evangile » un mot usuel à l’origine, qui vient du grec, et qui servait à annoncer une victoire. On peut donc aussi traduire « Evangile » par bonne nouvelle, heureuse nouvelle, joyeuse nouvelle.
L’auteur : Qui est Matthieu ? Un ‘’professionnel’’ de l’Ecriture qui se réfère aux textes connus ( La Loi, les Prophètes… ) avec les mêmes méthodes que les scribes juifs, tout en donnant à ses textes une nouvelle interprétation. Certains biblistes parlent d’une ‘’école de Matthieu’’, l’auteur étant le représentant d’un groupe de chrétiens ( des ex-scribes ) travaillant à une interprétation nouvelle ( en référence à Jésus-Christ ) des Ecritures ( qu’on appelle l’Ancien Testament ).
La tradition chrétienne du II siècle attribue le livre à Matthieu ( Lévi ) le publicain qui percevait la taxe de péage à l’entrée de Jérusalem ; mais comment pouvait-il avoir toute cette connaissance alors qu’il était censé être un ignorant côté Ecriture ? Probablement les auteurs en sont un scribe ou des scribes devenus disciples ( chrétiens ) ; un indice en Mt 13, 52 : « … Ainsi donc, tout scribe instruit du Royaume des cieux est comparable à un maître de maison ( le responsable de communauté chrétienne ) qui tire de son trésor ( l’Ecriture et la Tradition ) du neuf ( un sens pour le ‘’ici et maintenant’’ ) et de l’ancien ( dans la fidélité aux ‘’racines’’ de la foi) Nombres d’indices suggèrent que les douze étaient morts à l’époque de la rédaction finale. Il reste que l’apôtre Matthieu, l’ex-publicain ?, a pu avoir une part dans la première annonce de la parole de Jésus au sein de la communauté où fut rédigé son œuvre. Par vénération et par fidélité on aura honoré son nom en parlant de l’Evangile de Jésus-Christ selon St Matthieu ; ce procédé correspond aux pratiques littéraires des premières communautés chrétiennes et du monde oriental.
Des repères dans le temps : Jésus a enseigné en Palestine de l’an 28 à l’an 30 ( environs ) entouré et suivi par des disciples qui ne songeaient pas à écrire au jour le jour ce qu’ils voyaient et entendaient. Les années 30 à 60, env. voient la naissance des premières assemblées chrétiennes – en grec, nom commun : éklésia qui désigne une assemblée, ce qui donnera le mot Eglise – et la première mise en forme de traditions écrites à partir des paroles, des faits et gestes de Jésus.
A partir de 60 ; différentes Eglises ( à commencer par celle qui était à Jérusalem ) connurent des persécutions et des crises internes, certains responsables ont alors jugé utile de rédiger des textes complets et ordonnés ( enseignements ) pour répondre aux questions et aux difficultés de ces communautés qui ne pouvaient plus se référer aux témoins directs ( à présent disparus ) de Jésus, mais aux traditions éparses écrites entre 30 et 60.
Les destinataires : En majorité des chrétiens d’origine juive qui ont conservé leurs pratiques et leurs traditions. Mais les autorités religieuse juives commencent à leur créer des problèmes : exclusion des synagogues, persécutions en les qualifiant d’hérétiques. Nombre de ces chrétiens sont sans doute tentés d’abandonner la foi en Jésus-Christ et de se tourner vers le renouveau juif que des scribes sont en train de promouvoir depuis la bourgade de Jamnia ( Jabné ) au début des années 80 ; ce qui laisse à penser que, peut être, la ‘’tiédeur’’ de ces communautés ne faisait plus tout a fait ‘’le poids’’ et que ‘’ Matthieu’’ se serait fait un devoir de forcer la note anti-pharisienne pour retenir ces ‘’brebis’’ ( ? ).
Les ‘’secrets de fabrication’’ :
L’impression : Environs trois années durant, les disciples ( les douze et d’autres ) ont suivi Jésus, ils ont été ‘’impressionnés’’ par Jésus : par sa personnalité, ses paroles, ses faits et gestes, comme une pellicule photo, les ‘’images’’ sont ‘’enregistrées’’, mais on ne les voit pas encore.
La révélation : Jésus est arrêté, condamné à mort, crucifié, mis dans un tombeau, l’aventure des disciples se termine tragiquement, l’espoir qu’ils ont mis en Jésus est réduit à néant. Mais voilà que les femmes qui étaient allés au tombeau le lendemain du sabbat ( le premier jour de la semaine ) en reviennent, chargés de la mission d’annoncer aux disciples qu’il est ressuscité et qu’il les attend en Galilée ( le lieu de départ : l’annonciation en Luc 1, 26 ) – du coup tous ces faits et gestes et ses paroles prennent un autre sens, la résurrection joue le rôle de ‘’révélateur’’, des ‘’images’’ vont commencer par apparaître, on peut les ‘’voir’’ à la manière d’un ‘’négatif’’ photo.
Le tirage : Envoyés par Jésus, ou parfois dispersés par les événements, les disciples témoignent de la ‘’bonne nouvelle’’ : Jésus a été ‘’relevé’’ d’entre les morts et les charge de l’annoncer, avec toutes les ‘’retombées’’ que cela comporte. La vie des groupes de chrétiens ( communautés ) va jouer le rôle de ‘’tireuse d’images’’ ; selon les groupes le ‘’contraste des images’’ va être différent.
Le montage : ‘’Mathieu’’ dispose maintenant d’une ‘’photothèque’’, il fait un choix parmi toutes les ‘’images’’, les regroupe par genre : la généalogie de Jésus, son enfance, les miracles, les paraboles… puis il bâtit un scénario. Il fait des choix différents de Marc et de Luc ( L’Evangile selon St Jean ayant une place à part parmi les 4 Evangile ) Il ordonne le tout en 7 sections et 5 grands discours.
L’organisation du livre :
1° section : Introduction à la mission de Jésus ( 1,1 à 4,16 )
2° section : Jésus inaugure le royaume de Dieu ( 4,17 à 8,17 )
3° section : Jésus, missionnaire du royaume ( 8,18 à 12,21 )
4° section : Quel est cet homme ? ( 12,22 à 16,20
5° section : Vers Jérusalem ; enseignements pour la vie en communautés ( 16,21 à 20,34 )
6° section : A Jérusalem, le jugement royal du Fils de l’homme
( 21,1 à 25,46 )
7° section : De Jérusalem à la Galilée, la Pâques du Fils de l’homme
( 26,1 à 28,20 )
Les 5 grands discours :
1. Le sermon sur la montagne ( 5 à 7 ) –
2. Le discours de mission ( 10 )
3. Le discours en paraboles ( 13 ) –
4. Le discours sur la vie en communauté ( 18 )
5.Le discours sur la fin des temps ( 24 et 25 )
Les ‘’deux visages de Jésus’’ dans l’Evangile de Mt : dur et intransigeant ( … qui aime son père et sa mère plus que moi n’est pas digne de moi… ) tendre et compréhensif ( … venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau * ( * la Loi de Moïse et ses + de 500 préceptes ) …. je suis doux et humble de cœur, mon joug* est léger ..( * le commandement de l’amour de Dieu et du prochain )
Interpréter ce texte : ? – Lire l’Evangile, sans plus, risque d’en faire un beau livre de souvenirs ou une pièce de musée ; il s’agit de le lire et de l’interpréter. Au départ l’Evangile de Matthieu est déjà une interprétation de ‘’ l’événement Jésus ‘’ à l’aide des textes existants : « … comme l’Ecriture l’avait annoncé… » – ou « … pour que l’Ecriture s’accomplisse .. » ou encore : « … pour que s’accomplit la prophétie d’Isaïe… »
C’est donc une interprétation collective qui va être le ‘’terrain’’ sur lequel d’autres interprétations à venir ‘’pousseront’’. Au contact du texte, on lui donne ‘’sens ‘’ (on l’interprète ) en connaissant et en prenant en compte les interprétations précédentes et en le mettant en rapport avec la vie et les événements actuels.
Pour l’interpréter et ne pas le déformer il y a l’exigence de le lire intelligemment : connaître les situations de l’époque de sa rédaction, l’intention de l’auteur, ses destinataires et ce à quoi ils étaient confrontés ( les biblistes font ce travail pour nous ) – connaître les interprétations faites depuis sa rédaction. Interpréter en Eglise ( en groupe ) en utilisant aussi les ‘’outils’’ à notre dispositions : revues et livres ( par exemple : Le livre : ‘’Commentaires’’ L’Evangile de Matthieu, cité dans Bibliographie – ou pour Marc : Pour accompagner une lecture de l’Evangile de Marc, idem pour celui de Jean, aux Editions de l’Atelier )
Bibliographie : L’introduction de la Traduction Oecuménique Biblique – L’introduction du livre : ‘’Commentaires’’ L’Evangile de Mathieu de Claude Tassin, Edition du Centurion 1991 – Dossier de la ‘’Foi Aujourd’hui’’ de Nov. 1992 – Dossier : Repères pour croire : L’Evangile de Jésus-Christ selon St Matthieu, de ‘’Croire aujourd’hui’’ N° 122, 15 novembre 2001