Une réflexion à partir de l’Evangile du dimanche 26 novembre 2023 – Matthieu, 25, 31-46
Ce passage de Matthieu est souvent présenté comme la scène du « jugement dernier », à la fin des temps, mais c’est passer à côté de l’essentiel, car cette sorte de parabole nous révèle dès maintenant la vérité ultime de ce que nous engageons dans chaque relation avec les « petits ».
Le début , qui peut se traduire « A chaque fois que le Fils de l’homme vient /…/ », n’a rien à voir avec une « pesée des âmes » représentée sur le tympan de nos cathédrales !
Autour de ce Fils-Roi, dans sa manifestation, il y a les « anges « , c’est-à-dire toutes les paroles adressées par Dieu aux humains et « toutes les nations sont rassemblées » ; c’est dans notre organisation de vie terrestre que le Fils va opérer son œuvre de séparation ou plutôt de révélation « comme le berger sépare les brebis des boucs ».
Impossible pour nous d’identifier d’emblée ce qui est répartit à droite et à gauche : mais on peut dire que ce qui est révélé « brebis » ou « boucs » l’était déjà, mais n’apparaissait pas clairement ! Le terme traduit pas brebis, c’est le petit bétail, et le bouc évoque la puissance dominatrice.
Il nous faut sortir de la représentation désastreuse que certaines personnes, les brebis, seraient sauvées, et d’autres, les boucs, condamnées.
La séparation, selon les critères du Fils de l’homme, va trancher dans l’intime de chacun de nous, en cet espace de vérité qui nous échappe en grande part.
Le Fils attire à lui la part de nous appelée à vivre en enfants, de la vie du Père : : « venez les bénis de mon Père ». Il leur dévoile que la relation aux « plus petits « , aux « moindres », c’est une rencontre avec lui, à travers la fraternité qui l’unit, lui et chacun de ces petits, ses frères.
A leur insu, les « bénis » ont pris soin du Roi identifié aux « petits », tous les êtres de chair fragiles, vulnérables, blessés. Il est là où se trouvent les corps en souffrance, dans la petitesse, le dénuement, le rejet au milieu des hommes. Il suffit d’avoir engagé ce type de relation une seule fois dans son existence pour que la rencontre avec le Fils ait lieu « pour autant que vous l’aurez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères ».
Ce Roi est aux antipodes de ce que représentent les « boucs » qui, dans leur statut de toute-puissance, n’ont pas voulu « voir ».
Ce que l’Evangile appelle « maudit » c’est, en chacun de nous, un certain regard sur les êtres humains faibles, démunis, souffrants, un regard qui, parfois, est quelque peu indifférent ou culpabilise, ou même écarte ou rejette…
C’est cela qui est « du maudit ». Avec la mort disparaît ce qui n’a pas été irrigué par l’amour gratuit, désintéressé. C’est une heureuse nouvelle que cela parte en fumée et que demeure ce que le Christ-Roi recueille en son Corps.
Mais n’attendons pas le moment de notre mort pour que disparaisse et parte en fumée ce qui n’a pas été irrigué par l’amour, employons-nous à le combattre en nous au jour le jour…
C’est le même texte qu’en 2020 ; en fait, c’est une réflexion parue dans Témoignage Chrétien